Note de contenu :
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Assez de systèmes clos, d'arrangements immobiles! Voyons plutôt à travers le tragique, se déployer la conscience occidentale: aventure intellectuelle qui est aussi une aventure vécue. Le tragique est sorti de la tragédie pour provoquer la réflexion et l'action, au point qu'on peut considérer les doctrines et les révolutions qui dominent notre époque comme une réponse au défi lancé il y a vingt-cinq siècles, sous le ciel grec. Étrange dialectique de la littérature, de la philosophie et de la politique, qui de Sophocle nous conduit à Beckett, par Saint-Just, Hegel, Nietzsche, Staline, Hitler, Malraux et la société de consommation. Mais n'est-ce pas toujours la même tentative et le même scandale: l'humanité punie pour avoir affronté les dieux, le mal qui sort du bien, la liberté qui se fige en destin?
Donner au théâtre le premier et le dernier mot, cela surprendra, en plein impérialisme des sciences de l'homme. Portant est-il interrogation plus urgente que celle qui porte sur le dérèglement des mécanismes et la corruption des bonnes volontés? La tragédie ressuscitée présente à notre société ses véritables héros: des gens en train de perdre conscience, au milieu de la prolifération des êtres, des choses et des signes. Ce nihilisme comblé, accompagnons-le jusqu'à la pointe de son angoisse: dans cette absence, dans ce désert, où l'homme agonise, et où renaît, plus forte que les malheurs et les soupçons, la connaissance tragique.
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