Titre : | Saynète de rue (2002) |
Auteurs : | Marie Rouanet, Auteur |
Type de document : | Article : texte imprimé |
Dans : | Prier (n° 245, Octobre 2002) |
Article en page(s) : | p. 9 |
Langues: | Français |
Résumé : |
Lire la ville et lire les autres, beau programme. Peut-être même faut-il dire apprendre à lire ces traces minuscules que ne manque pas de laisser la vie autour de nous.
Regarder les gens droit dans ...les pieds. C'est là que se voient l'âge, la pauvreté, la coquetterie, l'agilité ou la difficulté d'avancer. La minceur ou le maquillage peuvent tricher mais non les vingt-sept os de chaque pied et les cors, les oignons ou les orteils en marteau. D'autre fois, sur les trottoirs, des saynètes presque muettes en disaient plus long que des informations télévisées.+Un matin, sur l'arrière de Monoprix où le magasin dépose ses conteneurs d'ordures, il y avait un homme et une femme en train de les fouiller méthodiquement. Elle, l'air d'un oiseau, grimpée sur une caisse, toute sombre, courbée vers l'intérieur de la poubelle, récupérait essentiellement des fruits et des légumes, indifférente aux gens qui passaient. Pauvre, bien sûr, mais pas indigente. Son petit ménage devait marcher droit car l'usure des poches et du bas de ses manches de son gilet de jersey était masquée d'un point festonné. Elle était penchée vers l'intérieur du conteneur comme une laveuse de lessive. Elle triait et engrangeait munie d'un crocher de plastique qu'elle portait et à mesure les passait à l'homme. Sur le trottoir du matin se rencontraient sans se voir, mais présents au même instant dans la marche du monde, ceux qui venaient de faire leur marché dans le conteneur et le célèbre Noir décoloré qui gagnait en un soir de quoi nourrir plusieurs mois un village d'un millier d'habitants. C'est cela l'espace public, un lieu où le monde se manifeste. |