Titre : | " La semaine sainte m'embrase" (2011) |
Auteurs : | Chantal Joly, Auteur |
Type de document : | Article : texte imprimé |
Dans : | Points de repère (N°240, Mars-avril 2011) |
Article en page(s) : | pp. 8-10 |
Langues: | Français |
Résumé : |
Pour le recteur de Sylvanes, que représente la Semaine sainte ,
André Gouzes : Un rendez-vous heureux mais sûrement la semaine la plus folle de l'année : Elle m'effraie à l'idée de tout ce qu'il faut donner de ma personne, de mes journées, de mes nuits, de mon coeur...avec la crainte de ne pas être à la hauteur. D'avance, je sais que je vais en sortir physiquement et surtout émotionnellement épuisé mais c'est une fatigue dans laquelle me sont donnés tous les germes de l'avenir. La semaine pascale est ce qui existe de plus gratuit, de plus beau, et de plus fort dans le christianisme. Si Noël m'attendrit, la Semaine sainte m'embrase. C'est véritablement le moment où je ressens charnellement la grâce de la révélation d'une Dieu sauveur. Pour tout croyant, c'est une traversée de la nuit ? Pâques, c'est la nuit lumineuse, aux limites de tous les infinis, de tous les pardons. Nuit du renversement de toutes les violences que représentent les puissances du mal et de la mort. Nuits de la jubilation d'exister et de trouver la force de rebondit. Nuit qui nous réintroduit dans l'immense ronde de vivants. Joies t larmes nous y saisissent. Tout y trouve la paix et renaît, tel un printemps. Le Christ, l'ami de la route, nous fait franchit l'infranchissable. Nous recevons alors cette merveilleuse vocation d'être des passeurs, des ténèbres à la lumière. Être chrétien, c'est d'abord cette manière d'être : choisir instantanément la vie plutôt que la mort, exister toujours sur le mode de la résurrection. En quoi la liturgie aide-t-elle à vivre cette expérience ? Le magnifique rituel de Pâques fait exploser les notions de temps et d'espace et s'adresse à tous l'être, intelligence et corps. Ses rites sont les plus beaux de l'histoire des religions. Il y a les paroles sacrées de l'Ecriture qui nous relient à l'immémorial de la tradition biblique. Il y a l'assemblée elle-même en attente de ressusciter à la vie nouvelle et d'être révélée comme corps du Christ. Il y a le symbole du cierge pascal rappelant tous à la fois la colonne de feu qui éclaira les Hébreux pour les conduire en Egypte, le buisson ardent de Moïse et la blancheur irradiante de la Transfiguration. Il y a le dynamique des chants : le grégorien, les polyphonies, l'Exultet du Samedi saint, un pur chef-d'oeuvre poétique, les grandes hymnes des Pères de l'Eglise comme le sermon de la nuits de Pâques de saint Jean Chrysostome que je suggèrerais de lire tous les ans sur le parvis des cathédrales. Et comment ne pas entendre, comme en contrepoint, la prière du passeur de saint François d'Assise :" Là où est l'offense, que je mette le pardon..." Quel héritage ! Quel trésor : Tout cet ensemble compose une immense partition, une "hymne à la joie". L'idéal serait de pouvoir terminer par l'"Agapé", vrai repas fraternel qui concluait l'eucharistie des premiers chrétiens et qui pouvait durer jusqu'à l'aube. A Sylvanes, les premiers temps, nous partagions ainsi l'agneau pascal. Les communautés chrétiennes n'ont pas toutes les ressources de Sylvanes ! Bien sûr, mais l'important, c'est de vivre cette semaine avec une générosité et une humilité immenses. Sans tomber dans l'esthétisme, le démonstratif ou l'excès d'inventivité car c'est la mémoire de Pâques qui est importante, même si la pédagogie et les moyens doivent être craintifs. Tout rituel doit être joie et liberté et pas seulement rabâchage de formules et de gestes. Ainsi la communion n'est pas une "dînette", mais le repas symbolique que nous prenons avec Dieu. La Lecture des textes n'est pas une pure déclamation mais "voix de Dieu". La prédication doit inviter à des réveils en profondeur. Tout concours à nous faire passer des signes et des mots aux rivages d'une vie nouvelle, d'un être nouveau. Comment conseillez-vous de vivre cette semaine ? J'ai envie de dire d'abord :"N'hésitez pas à prendre des vacances ! "car Pâques un temps de re-création, au sens propre du mot. Chaque année, ce temps mérite que tout y soit consacré. Dans mon enfance, dans cette vallée qui manifestait une ferveur pascale incroyable, les gens prenaient carrément leur temps. Cette période est une vraie retraite baptismale. Dans les premiers siècles, du reste, on ne baptisait qu'à Pâques. C'était la fête des fêtes : celle qui donnait souffle et raison d'être à toutes les autres. Le concile Vatican II a eu la merveilleuse inspiration de la remettre comme source et fondement de la foi chrétienne. Or il est essentiel de rafraîchir, de renouveler notre être de baptisé dans la parole et la célébration, dans l'intériorité et la rencontre; sinon, il risque de s'étioler. Tous les discours de banale observance et de contrainte tombent devant ces trouvailles enchantées. Et tout homme y est invité. L'arbre et la croix Le démon avait renversé Adam avec le bois de l'arbre, Jésus Christ a terrassé le démon avec le bois de la croix. Le bois de l'arbre a jeté les hommes dans l'abîme, le bois de la croix les en a retirés. Le bois de l'arbre a dépouillé l'homme de ses privilèges, et l'a enfermé comme un vaincu et un captif dans l'obscurité d'une prison ; le bois de la croix a élevé Jésus Christ et l'a montré à toute la terre, nu, cloué, vainqueur. Saint Jean Chrysostome (vers 345-407), Homélie pour la fête de Pâques |
Note de contenu : | Des milliers de personnes se rendent chaque année à l'abbaye de Sylvanes (Aveyron) pour la Semaine sainte. Le Père André Gouzes, musicien et compositeur, est l'artisan de la renaissance de cette abbaye. Entretien avec ce passionné de liturgie. |