Titre : | Lumière au bout de la nuit (2011) |
Auteurs : | Marie-Thérèse Perriaux, Auteur ; Nadine Aubert, Auteur ; François Brossier, Auteur |
Type de document : | Article : texte imprimé |
Dans : | Points de repère (N°240, Mars-avril 2011) |
Article en page(s) : | pp. 4-7 |
Langues: | Français |
Résumé : |
Seuls face au malheur
Le ciel n'a pas le temps de bleuir que nous retrouvons, chaque matin, le double mystère du mal et de la mort. Le mari d'une amie de lycée décède, d'un cancer après d'horribles souffrances. Les médias évoquent les catastrophes, suicides, règlements de compte...Nous nous sentons tellement impuissants et seuls pour affronter le malheur. La société s'est donné comme garde-fous la morale, les lois et les protecteurs de la loi, mais notre humanité a, hélas, trop souvent préféré celle de Talion pour se défendre. Or la violence est un boomerang qui revient toujours dans la main de celui qui l'utilise. D'autres personnes, Pilates des temps modernes, préfèrent cultiver leur carré de bonheur en se lavant les mains des souillures du monde. La voie que les chrétiens tentent d'emprunter est spécialement étroite et paraît même irréaliste car elle est celle de l'engagement vis-à -vis du prochain en s'abandonnant à la volonté de Dieu. Un Dieu qui nous a rejoints dans notre pleine humanité, souffrance et finitude comprises. Cette réalité de l'incarnation habite chaque eucharistie mais il existe, dans l'année, une occasion de la revivre avec une intensité accrue avec nos frères, en communauté : c'est la Semaine sainte. Suivre le Christ pas à pas "La semaine sainte est ce temps privilégié où l'on prend son temps pour une communion avec le Christ. Ce n'est plus très facile aujourd'hui où les rythmes de la vie profane ont cessé e s'interrompre pour laisser la place à cette démarche. Il faut sûrement s'efforcer de trouver et proposer les moyens qui vont permettre cette intériorité de prière (...) afin de laisser vivre en nous le mystère pascal accompli par le Christ", explique le Père Joël Morlet, sociologue catéchétique à Paris. Se donner le luxe d'y participer est une chance formidable. Les églises sont pleines. La liturgie est riche et les mises en oeuvre symboliques de cette transformation intérieure à laquelle nous sommes conviés sont nombreuses. La célébration comportent chacune des rites d'entrée, une liturgie eucharistique et des rites d'envoi. Il y a des lectures, des chants, des prêtres, de l'encens, des compositions florales, des jeux d'ombres et de lueurs, des gestes à accomplir moins discrets qu'habituellement, des aspersions (c'est une semaine où l'on se mouille beaucoup, au propre comme au figuré), des prosternations, des processions, des déplacements de foule..Tous nos sens sont invités à la célébration." Le magnifique rituel de Pâques fait exploser les notions de temps et d'espace et s'adresse à tout l'âtre, intelligence et corps", commente le Père André Gouzes, dominicain, musicien et liturgiste. Cette succession de célébration est tissée d'un fil rouge. Car elle est bien plus qu'un point culminant de l'année liturgique et de l'année chrétienne ou une ligne de départ pour démarrer une nouvelle saison davantage tournée vers la prière et le don de soi. La Semaine sainte est à vivre comme une marche. "La Semaine sainte nous est donnée pour nous plonger dans la mort et la résurrection du Christ et pour laisser agir en nous la puissance de Dieu, déclare le Père Morlet. Nous sommes invités à le suivre pas à pas, à contempler ses faits et gestes pour en être transformés intérieurement. "Ce chemin qui mène de l'entrée à Jérusalem sur un ânon à la pierre roulée du tombeau et dont nous croyons connaître par coeur les étapes, les tenants et aboutissants, les périls et le dénouement, il nous faut apprendre ou réapprendre à le dérouler. Passer de la mort à la vie Lassitude, douleurs physiques, joie, détresse...le Christ a connu toute la panoplie de nos émotions humaines. A notre tour, nous allons refaire cette traversée de la condition humaine mais à ses côtés afin de nous délivrer de nos peurs et de nous reconstruire. La Semaine saint est un véritable itinéraire, passage éprouvant, écartelant, où le chrétien fait deux expériences opposées : celle de la mort le Vendredi saint et du silence de Dieu le Samedi saint, et, en même temps, celle de la joie et de la liesse le dimanche des Rameaux, du don de Dieu le jeudi saint et enfin de la formidable espérance en la résurrection de Pâques. Comment ne opas penser, lors de la commémoration de la Cène, au film Des hommes et des Dieux ? Ceux qui ont vu ce chef-d'oeuvre ne peuvent qu'être frappés de la similitude entre la scène du dernier repas des moines de Thibérine avant leur exécution et l'évangile du Jeudi saint. La joie d'être ensemble, en frères. Le plaisir de savourer "les fruits de la terre et du travail des hommesé au son du Lac des cygnes de Tchaïkovski. La menace palpable. La peur dans les ueyx, dans les tripes. Ils ne sont pas parfaits mais ils sont résolus à sacrifier leur vie au nom de l'amour qui les dépasse. Un chant de d&élivrance Le Vendredi saint est la séquence qui, sans doute, à l'extérieur, a le plus de mal à être comprise. Car il ne s'agit pas de culte doloriste, il s'agit de compassion. Il s'agit de signifier que le Christ nous a rejoints jusque-là , jusqu'à ces zone d'obscurité. Il est le Fils de Dieu et il n'en a pas moins souffert. Il est présent à chaque souffrant. Il a pris sur lui toutes nos douleurs physiques, morales, nos noirceurs et les a emportées avec lui dans sa résurrection. Viens alors, après le temps du silence du samedi, le cri d'allégresse de la Veillée pascale. C'est l'événement qui bouleverse radicalement l'histoire humaine, qui signifie la fidélité de Dieu à notre égard, l'accomplissement des promesses faites à son peuple. C'est alors qu'avec les nouveaux baptisés de la Veillée pascale, nous avons tous à refaire ce chemin de catéchumène : passer de la mort à la vie. Le Christ ressuscité a sauvé l'homme du péché et l'a appelé à la vie éternelle, ainsi que l'évoque l'épître de saint Paul aux Romains. C'est du reste le sens étymologique du mot "Pâques" : "passage". La nuit, la terrifiante nuit de la peur, du désespoir et de la mort, débouche sur une aurore. Comme le célèbrent les frères de Taizé :"La ténèbre n'est point ténèbre devant toi, la nuit comme le jour est lumière." "La grande nuit pascale, commente le Père François Brossier, bibliste, chanta la délivrance, le salut, la liberté. Elle appelle à méditer à nouveau les grandes pages de l'histoire du salut." "Alléluia ! Christ est ressuscité !" ainsi que l'ont proclamé, tôt le matin du 4 avril 2010 sur le parvis de la Défense, cinq mille personnes issues de toutes les confessions chrétiennes. Impossible de mettre cette Bonne Nouvelle sous le boisseau. Elle est à partager avec les hommes de ce temps, de tous les temps. Nous croyos que nous vivrons aussi avec lui Nous tous, baptisés en Jésus Christ, c'est en sa mort que nous avons été baptisés. Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle. Car si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection. Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité des morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n'a plus d'empire." |
Note de contenu : | La semaine sainte est le sommet du calendrier liturgique. Mais que vivent les chrétiens pendant cette semaine du grand passage de la mort à la résurrection ? Dans un monde qui croit davantage à la force qu'à la faiblesse, quel défi de faire comprendre qu'il faut traverser la nuit de la crucifixion pour trouver la lumière ! |