Titre : | "L'écologie humaine aussi est décisive" (2010) |
Auteurs : | Dominique Lang, Auteur ; Fabrice Nicolino, Auteur |
Type de document : | Article : texte imprimé |
Dans : | Points de repère (N° 236, 01/05/2010) |
Article en page(s) : | pp. 8-10 |
Langues: | Français |
Résumé : |
Êtes-vous sensible à l'écologie ?
Cardinal Barbarin : Les gens se sont aperçus que l'écologie est une responsabilité majeure par rapport aux générations futures. Et, s'ils sont chrétiens, ils savent que c'est aussi une exigence intérieure de leur foi. Le débat 'est plus situé dans un secteur étroit de l'échiquier politique, et c'est une libération. Je ne sais pas si vous le savez, mais dans le concile Vatican II, il n'y a rien sur l'écologie. On est à l'époque de la technique triomphante. Dans un document comme le catéchisme de l'Eglise catholique, qui est une sorte de fruit du Concile, trente ans plus tard, la référence écologique est très présente. Notamment dans la partie évoquant la théologie chrétienne de la Création. Plus étonnant est le commentaire, dans ce même Catéchisme, du septième commandement donné par Dieu à MoÏse au Sinaï : "Tu ne voleras pas". Là, on comprend que transformer les rivières en égouts et les mers en poubelles, c'est voler ceux qui viendront après nous ! Pas mal ! C.B. J'ai travaillé quatre an à Madagascar, entre 1994 et 1998, à la formation des futurs prêtres. Eh bien, dans ce beau pays, malheureusement, la déforestation fait des ravages, et quand on va se baigner en bien des endroits de le côte Est, on sort de l'eau avec des traces d'hydrocarbure sur tout le corps. Mais c'est là, aussi, que j'ai rencontré une vraie action pastorale écologique. A chaque fois qu'on baptisait un enfant, on donnait à sa famille deux plants de caféiers. La terre, c'est fondamental ; elle est une mère nourricière. Il ne faut pas supporte qu'on l'abîme ! Et on y arrivera ? C.B. Paradoxalement, je suis optimiste. L'écologie est un domaine où l'on sent que l'humanité entière est en train de se réveiller, dans notre rapport aux forêts, à la couche d'ozone, aux rivières...Jean-Paul II a fait de belles encycliques sur le travail et l'entreprise, une nouvelle après la chute du Mur, pour expliquer que ce n'est pas parce que le communisme est tombé, que l'économie libérale devient le parangon et le modèle. Mais j'aurais aimé qu'il écrive une encyclique sur les agriculteurs. Ils ne sont peut-être que 3 ou 4% chez nous, mais ils représentent plus de la moitié de la population mondiale. Dans un document publié en 2008, les évêques canadiens, soulignant la gravité de la crise, affirment que le temps des conversions est arrivé. Vous êtes d'accord ? C.B. En France, Mgr Marc Stenger, l'évêque qui suit Pax Christi, le dit depuis longtemps. Et je trouve sa position courageuse ; cela passe, selon lui, par des attitudes pratiques : une autre manière de célébrer Noël, par exemple. Il a raison. Tout cela n'est pas sans lien avec notre façon de consommer en général. On le voit pendant les vacances, où il y a tant de moments frelatés, alors qu'il est simple et magnifique de marcher en forêt ou dans la montagne, de se baigner dans une rivière...Les choses les plus simples donnent un plaisir incroyable. Je trouve qu'on peut apprendre aux gens à vivre tout aussi bien et même mieux, tout en offensant moins les pauvres. Car notre gâchis est une grave blessure pour une grande partie de l'humanité. Que pensez-vous de la notion de décroissance ? C.B. Il est évident qu'il y aurait beaucoup à dire sur la folie financière qui s'est emparée de nos sociétés. Mais je n'aime pas que l'Eglise renchérisse simplement. Quand dans un colloque, et c'est arrivé, j'entends des théologiens accepter qu'on fasse de l'Eglise la responsabilité de tout ce qui ne marche pas, j'ai envie de dire : attendez, on se calme ! On peut avertir les gens, en leur disant : "Vous êtes pris par une folie de l'argent qui vous fait détruire tout ce qui vous entoure ", sans pour autant plaider pour la décroissance. On peut dir d'une manière générale, que si l'Eglise doit être à l'écoute du monde, elle ne doit pas,cependant être à sa remorque. Il est normal qu'elle ait été sensibilisée à l'écologie par la société. A l'inverse, elle a aussi parfois pour mission de réveiller une société un peu assoupie. Nous sommes là tout près de l'écologie humaine. Car quand vous ne défendez pas la famille, quand les relations entre enfants et parents se dégradent, trente ans plus tard, on a une explosion de maladies psychiatriques, des gens aui ne savent plus respecter un horaire, assumer une tache ou une responsabilité jusqu'au bout. Construire une humanité, c'est un travail d'orfèvre ; tous les parents le savent. Et si l'on néglige cet aspect de l'écologie, le respect de la nature humaine, les exigences de sa croissance et de son équilibre, qu'adviendra-t-il de notre société ? L'écologie humaine aussi est décisive. |
Note de contenu : | Dans un entretien accordé aux Cahiers de Saint Lambert, la cardinal Barbarin, évêque de Lyon et primat des Gaules, réveille la conscience chrétienne sans la séparer de l'action au service de l'homme. Voici, pour Points de repère, les principales étapes de sa réflexion. |