Titre : | Frères, et tous différents (2010) |
Auteurs : | Marie-Thérèse Perriaux, Auteur |
Type de document : | Article : texte imprimé |
Dans : | Points de repère (N° 235, 01/03/2010) |
Article en page(s) : | pp. 4-7 |
Langues: | Français |
Résumé : |
Qu'es-ce qui peut nous aider à nous intéresser à notre voisin ?
Frères et soeurs, complices et rivaux De notre enfance remontent les souvenirs bariolés d'une vie fraternelle, riche en contrastes. Aux moments de joyeuse complicité se mêlent des souffrances affectives, parfois, cuisantes. "Nous étions deux filles et un garçon", se souvient Gaëlle, 41 ans mère de Dan, 7 ans "C'est mon frère qui avait la lumière parce que c'était la garçon et qu'il était brillant à l'école." Ces souvenirs peuvent ronger les relations fraternelles jusqu'à la rupture. Car les différences entres frères et soeurs sont inévitables à la mesure du caractère unique de chacun. "Pour éviter qu'elles ne deviennent une cause de rivalité, l'affection que l'on porte à chacun est fondamentale, qu'elle que soit sa réussite, scolaire, sportive ou artistique", juge Jean Philippe, père de quatre enfants. Si les parent portent le même amour, incondietionnel à chacun de leurs enfants, ceux-ci accepteront davantage leurs différences, même quand elles sont source d'inégalités. Caïeb et Abel, histoire d'un meurtre Aussi accompagnée soit-elle, la différence reste une épreuve pour les frères et soeurs que les premières pages de la Bible mettent en scène, de manière tragique, avec Caïen et Abel. Ils sont frères et pourtant Caïen tue Abel car Dieu a préféré son sacrifice au sien. Les raisons du choix de Dieu restent mystérieuses. Ce silence du texte nous oblige à en rechercher le sens. Le véritable enjeu de cette histoire ne se situe-t-il pas plutôt du côté de Caîen ? A lui de faire la preuve de discernements face à la jalousie qui l'envahit. D'ailmleurs, Dieu lui demande de faire ce travail de conversion en l'engageant à lutter contre ses idées noires : " Le péché est accroupi à ta porte, il est à l'affût mais tu dois le dominer." Malheureusement, Caïen échoue et devient l'assassin de son propre frère. La fraternité n'est pas naturelle Le drame de Caïen et Abel nous montre que l'espace fraternel est toujours à construire. Il est plus facile à établir avec ses amis puisqu'on les choisit. Mais qu'en est-il des personnes que nous rencontrons ou qui nous sont données par la vie : les membres de nos familles, nos voisins, les enfants de la catéchèse ? "Nous n'avons plus le temps ni l'énergie de nous parler, entre voisins, entre collègues, entre membres d'une même famille", constatait le Père Etienne Grieu, jésuite et sociologue, au cours des Semaines sociales sur les nouvelles solidarités. Qu"est-ce qui peut nous pousser à nous intéresser à l'autre, en dehors d'échanges calculés qui servent à améliorer notre performance dans la société ? Seul le désir de la relation, vécu comme un besoin vital, peut nous faire des relations fraternelles. Les plus fragiles d'entre nous, parce qu'ils ont souvent été rejetés, sont avides de ces échanges. "Leur désir, ce n'est pas de gagner de l'argent, d'avoir le pouvoir, ce n'est pas la réussite sociale. Leur grand cri, c'est pour la relation", explique Jean Vanier, fondateur des communautés de l'Arche qui accueillent des personnes mental. Frères en Christ, mais différents En tant que chrétiens, cette fraternité est, pour nous, une mission. "Être frères par le Christ avec les autres, ce n'est pas une opinion mais une mission. Nous sommes obligés de nos frères", rappelle le Père Etienne Helbert, prêtre du diocèse de Strasbourg. " Qu'as-tu fait ?" demande Dieu à Caïen après le meurtre d'Abel. Cette question résonne comme une obligation, malgré les différends, qu'il ,e s'agit pas de minimiser ! Ils se présentèrent dès l'origine dans l'histoire de l'Eglise, quand les païens, c'est-à -dire des non-juifs se convertirent au christianisme. "Les chrétiens d'origine païenne étaient considérés comme impurs parce qu'ils ne respectaient pas les tabous alimentaires des Juifs. Dès lors, comment partager avec eux la fraction du pain, signe de communion et de fraternité dans le Christ Jésus ?, souligne le Père François Brossier, bibliste. Les chrétiens d'origine juive voulaient demander aux autres de se convertir au judaïsme pour surmonter ce qui semblait être une irréparable division. Ce fut l'objet du premier concile, rapporté dans les Actes des Apôtres. Le conflit fut résolu grâce au "devoir de charité", selon l'expression forgée par le P. Brossier : "il s'agit d'éviter ce qui est insupportable pour des frères." Chaque groupe fait un pas vers l'autre : les chrétiens d'origine juive acceptent de partager le rpas avec les chrétiens d'origine païenne. Ceux-ci renoncent à manger de la viande saignante ou qui fut offerte sur les autels des dieux païens. Chacun accepte de renoncer à quelque chose pour rester en communion avec l'autre sur l'essentiel. Jésus, un frère jusqu'au bout Saint Pierre, qui observait pourtant fidèlement la loi juive, accueillit les païens parce qu'il voyait dans leur foi l'oeuvre de Dieu. "L'Esprit Saint n'a fait aucune distinction entre eux et nous", reconnut-il en énonçant du même coup le fondement de la fraternité chrétienne. C'est par Dieu que nous sommes frères et soeurs. Au cours de sa vie terrestre, Jésus lui-même s'est totalement engagé dans cette relation fraternelle, sans poser de conditions préalables. "Il est allé jusqu'au bout de la logique d'Alliance, analyse le Père Grieu. Pour maintenir le lien, il a été jusqu'à risquer sa vie et la perdre." Par Jésus, Dieu s'engage de manière inconditionnelle à notre côté. C'est en faisant l'expérience de cette vérité pour nous-mêmes que, émerveillés, nous pouvons à notre tour aimer comme Jésus aime. "Tu unis à nous tout être humain, sans exception", s'exclame Frère Rà gr de Taizé dans sa prière. La fraternité est un don de Dieu A la messe, le sens de cette fratrnité nous est réb vélé par la liturgie : "La fraternité apparaït comme un don de Dieu", explique le Père Joël Morlet, professeur à l'Institut pastorale catéchétique à Paris. Invités au repas du Seigneur, nous venons avec nos indifférences et nos différends et finissons par communier ensemble, pour nous retrouver disciples, chargés de transmettre la paix du Christ. Le geste de paix que nous échangeons prend progressivement son sens tout au long de la célébration. La messe nous établit dans des relations fraternelles à mettre en oeuvre, bien au-delà des murs de notre église ! |
Note de contenu : | Dans le Christ, nous sommes frères et soeurs mais nous butons souvent sur l'expérience, parfois amère, de nos différences. Comment construire cet espace de rencontre fraternelle dans lequel Dieu se révèle. |